De la constitution octroyée aux événements de Casablanca
Unanimité politique contre l’UNFP,
Répression sauvage et défis
L’UNFP provoque un retour de manivelle
1- La constitution octroyée : une politique dolosive
Avant et durant le Congrès, des rumeurs avaient circulé, selon lesquelles des juristes français se trouveraient au Maroc, avec la charge d’élaborer un texte de constitution pour le Royaume. Evoquant ce sujet, la Commission administrative issue du Congrès avait exprimé l’opposition de l’UNFP à la constitution octroyée, déclarant que le Parti s’en tenait au principe de l’élection d’une Assemblée constituante. Mais le pouvoir personnel – qui avait réussi à monter une unanimité politique contre l’UNFP, comme nous l’indiquions dans le numéro précédent – n’en eut cure : le 5 novembre 1962, sera annoncée l’organisation d’un referendum pour la ratification de la constitution octroyée. L’UNFP réagira en lançant contre cette constitution une campagne dont le premier acte sera le communiqué du Secrétariat général, rendu public le 8 du même mois. La réponse ne se fera pas attendre. Trois jours plus tard, Mahdi échappera de justesse à une tentative d’assassinat par un accident de circulation simulé, dont on découvrira vite les auteurs, qui n’étaient autres que des éléments des Services secrets.
Convié à une séance qui se tient le 14 novembre, le Comité central de l’UNFP rend public un communiqué où on pourra lire :
« Après avoir analysé la situation née de la décision prise par le Pouvoir absolu d’organiser un referendum au sujet d’une constitution dont le texte a été élaboré dans le secret, avec l’aide de techniciens étrangers à la solde du colonialisme et du néocolonialisme (…) (le Comité central) tient à souligner que ce que l’on convient de nommer referendum au sein du pouvoir personnel et féodal en place dans le pays depuis 1960, n’est qu’une opération absolument antidémocratique, et une forme de politique dolosive, (…) et que la véritable finalité de l’organisation de ce referendum dans de telles conditions, n’est autre que la consécration d’une constitution élaborée dans l’unique but de doter de légitimité le pouvoir personnel absolu. »
L’UNFP décidera donc de boycotter le referendum annoncé le 18 novembre 1962 par feu Hassan II dans un discours retransmis par la radio nationale. M. Abdelhadi Boutaleb, Secrétaire d’Etat aux Informations auprès du Premier ministre, fera, sur les ondes de la même radio, une lecture des articles de la constitution, flanquée d’explications exhaustives. Pour sa part, Guédira, le timonier du pouvoir personnel, prendra sur lui de faire, par le biais de ses media et autres auxiliaires propagandistes, l’éloge de cette constitution octroyée. Les autres partis politiques se lanceront dans la même campagne de propagande : il ne fallait bien évidemment pas s’attendre à ce qu’ils s’en abstinssent, eux qui participaient à ce gouvernement dirigé par Guédira pour le compte du Roi…
2- Guédira fonde un parti deux mois seulement avant les élections !
Le referendum aboutira aux pourcentages que désiraient les services de l’Intérieur, avec à leur tête Guédira, timonier du pouvoir personnel absolu, qui poussera la dérision jusqu’à émettre le pronostic édifiant de 105% !
On commença alors à entendre parler d’élections législatives que l’on projetterait d’organiser. Elles seront finalement annoncées pour le 17 mai 1963. Mais afin d’éviter une surprise désagréable du genre de celle advenue lors des communales de 1960, le pouvoir personnel prendra cette fois-ci ses dispositions. Pour justifier les résultats qu’il comptait énoncer, il fallait bien qu’une institution politique favorable au pouvoir personnel entrât en lice pour remporter les élections. C’est ainsi que Guédira annoncera, lors d’une conférence de presse organisée le 20 mars 1963 à l’hôtel Mansour à Casablanca, la création d’un nouveau parti politique dont il prenait lui-même la tête, sachant qu’il assumait, en sus de sa charge de Directeur du Cabinet royal, les portefeuilles de l’Intérieur, de l’Agriculture, etc. Non satisfait de leur seule présence à lui et ses acolytes, il tiendra même à obtenir pour son nouveau parti la bénédiction de tous les hommes d’Etat du pouvoir personnel. Seront ainsi présents à ses côtés, lors de sa conférence de presse, Ahmed Bahnini, ministre de la Justice, Mahjoubi Aherdane, ministre de la Défense, Dr. Abdelkerim Khatib, ministre de la Santé et des Affaires africaines, et Ahmed Alaoui, Ministre du Tourisme, de l’Artisanat et des Beaux-Arts, ainsi que Driss Slaoui, Mohamed Laghzaoui, et le colonel Oufqir, Directeur général de la Sûreté nationale. C’est lors de cette conférence que Guédira annoncera la création du FDIC (Front pour la Défense des Institutions Constitutionnelles). La création de ce parti, deux mois seulement avant l’échéance électorale, ne pouvait prêter à équivoque : on voulait à tout prix contrer l’UNFP.
3- Une transaction honteuse… et jusqu’où notre pays a pu tomber
La proclamation par Guédira de la fondation de ce nouveau parti ne pouvait pas, cela dit, justifier à elle seule la victoire par une majorité absolue que l’on voulait lui faire obtenir face à l’UNFP, forte celle-ci des masses d’ouvriers, de petits commerçants, de citadins, d’élites cultivées, et de toutes les autres composantes populaires qui lui avaient justement conféré sa victoire retentissante lors des communales deux ans plus tôt, victoire obtenue alors même que la plupart des leaders du Parti étaient soit à l’étranger, soit en prison. Il fallait donc anticiper en prévoyant un prétexte admissible qui pût justifier l’écrasante majorité escomptée pour le FDIC. Guédira finit par trouver. Lors d’une transaction accomplie au même hôtel Mansour, il obtient le retrait de l’UMT, ce qui devait revenir à priver l’UNFP des voix de la classe ouvrière.
Il fallait s’attendre à ce que ces deux actes manifestement dirigés contre l’UNFP – la présence des hommes d’Etat à la fondation du FDIC de Guédira, et la transaction de l’hôtel Mansour – déclenchent une vague de mécontentement et de tension à travers le pays, et à plus forte raison au sein du Parti et de sa direction. Al-Tahrir réagira par une série d’articles et de commentaires particulièrement énergiques, dont l’éditorial du numéro du 21 mars 1963, rédigé par le Martyr Mahdi, où l’on pourra lire :
« La situation qui prévaut au Maroc a voulu que Guédira devienne le leader d’un nouveau parti et le chef d’un Front qui prétend emprunter la voie de la probité pour sauver le pays de la dégradation et du désordre. Elle a également voulu que cet individu se permette de parler du passé du Maroc et de la lutte des Marocains pour la libération politique et économique de leur pays, qu’il devienne l’homme de confiance du pouvoir absolu, et le porte-parole du patriotisme, du sacrifice et de la continuité de la « lutte » pour la préservation de nos principes et nos valeurs… Pis encore, le pouvoir absolu lui a conféré le droit de parler au nom même du peuple marocain. Maître incontesté, il dispose – comme l’on dispose de son propre bien – des fonds revenant au peuple, décide de l’avenir du pays, et contraint les fonctionnaires, des plus hauts aux plus petits, de se ranger sous son étendard. » L’éditorial s’achevait sur cette double interrogation : « Pouvait-on s’attendre à ce que telle soit la situation un jour au Maroc ? Et devait-on s’attendre à ce que les choses en arrivent là ? », pour répondre : « Oui ; tout cela devait advenir. C’est même arrivé exactement à l’image du scénario que certains prévoyaient déjà en 1957-58, et même en 1959. Aussi, monsieur Guédira peut-il s’estimer pleinement en droit de dire et de faire ce que bon lui semble. Quant à nous, s’il est une chose à laquelle nous ne pouvons que penser en entendant parler monsieur Guédira, c’est bien le niveau déplorable auquel notre pays a pu s’abaisser. »
Mais la réaction la plus violente à ce tournant ouvertement amorcé par le pouvoir personnel se lit dans deux textes. Le premier est une interview que l’hebdomadaire français Jeune Afrique réalisera avec Mahdi et Abderrahim – al-Tahrir en publia la traduction dans le numéro du 10 avril 1963– le second étant le texte du communiqué au Peuple marocain, rendu public par le Secrétariat général de l’UNFP le 2 juin, et annonçant la décision du Parti de participer aux élections législatives.
4- Mahdi et Abderrahim : « Guédira n’est que l’ombre de son maître »
Jeune Afrique rapporte, citant Mahdi et Abderrahim : « Nous sommes des gens sérieux, qui dirigeons une institution sérieuse, et qui répugnons à avoir pour adversaire politique une personne sans existence réelle ni représentativité. Soyons clairs : notre véritable adversaire est celui qui s’est refusé à assumer le rôle d’arbitre qui lui revient normalement. Un arbitre doit se placer au-dessus des partis ; or, nous constatons aujourd’hui que l’arbitre s’est mué en un leader de groupe d’intérêts. Guédira, lui, n’est que l’ombre de son maître. Si celui-ci décidait demain de s’en séparer, il redeviendrait ce qu’il avait été avant, c’est à dire rien. Remarquons que cela n’avait point été le sort de l’UNFP quand le roi décida de s’en séparer. Guédira n’est qu’un instrument de la politique poursuivie par le Palais. Or, ce qui nous importe n’est point l’instrument, mais bien la politique. (…) L’important n’est pas de savoir s’il y a un roi ou un président à la tête de l’Etat, mais de sortir le pays du sous-développement. Pour notre part, nous soutiendrons toute personne prête à œuvrer sincèrement pour cet objectif. Ce que nous constatons est au contraire une tendance à instaurer des institutions archaïques et inutilement coûteuses, une corruption à tous les niveaux, et un chef de l’Etat qui est en même temps chef du gouvernement, disposant du pays comme l’on dispose de son propre bien. Or, convenons d’abord de ceci que le Maroc n’est la propriété de personne. (…) Nous ne pouvons être plus royalistes que le roi. Si la monarchie a un ennemi, c’est bien le roi lui-même. N’est-ce pas, en effet, saboter la monarchie que de confier la gestion de l’Etat à des gens dépourvus de tout soutien populaire ? N’est-ce pas saboter la monarchie que de la tourner en dérision du fait de la Question mauritanienne ? N’est-ce pas saboter la monarchie que de concentrer les pouvoirs aux mains d’un seul homme – auprès de qui les ministres tiennent le rôle de simples exécutants – et de donner libre cours à l’irresponsabilité à tous les niveaux de l’Etat ? »
C’étaient là quelques passages d’une déclaration commune, par laquelle Mahdi et Abderrahim tenaient à mettre les choses au point concernant le phénomène Guédira.
5- Le régime féodal ne peut se plier à aucune réforme. Son seul remède est l’éradication
De même, le communiqué rendu public le 2 mai par le Secrétariat général de l’UNFP, annonçant l’intention de participer aux élections législatives prévues pour le 17 du même mois de mai 1963, sera à son tour d’une force et d’une clarté adéquates avec la campagne électorale dans laquelle le Parti avait décidé de s’engager contre Guédira et ses alliés, les anciens comme les nouveaux. Al-Tahrir publiera ce communiqué sous des titres qui en résumaient le contenu et annonçaient le ton :
L’UNFP appelle tous les patriotes sincères et tous ses militants à faire face aux suppôts du féodalisme et du néocolonialisme ; L’UNFP ouvre un nouveau front pour livrer bataille dans le domaine que la Réaction a elle-même choisi pour sa propre défaite ; Il n’est aucun moyen pour réformer le régime féodal en place dans le pays : nul compromis n’est plus possible, sans parler de conciliation : son seul remède est d’être éradiqué ; Aucun de nos députés, aussi peu nombreux qu’ils puissent être, n’envisagera un seul instant de plier à la logique du réalisme arriviste et stupide, qui suppose de composer avec le régime et de partager avec lui la responsabilité du pouvoir. »
Le communiqué du Secrétariat général ajoutait : « La mission de nos députés sera d’éclairer l’opinion publique, de l’aider à comprendre et à prendre conscience. En tant que représentants du peuple, ils auront le devoir d’exprimer la volonté populaire face au pouvoir féodal, serviteur du néocolonialisme. Nos frères qui se préparent à s’engager dans cette bataille se sont d’abord engagés à agir en toute circonstance selon les directives de notre organisation, et à mener leur action au sein du parlement avec harmonie et discipline, afin de servir notre cause et de satisfaire les aspirations du peuple. Ils livreront en effet bataille dans le domaine que la Réaction a elle-même choisi pour sa propre défaite. Mais nous savons pertinemment que ce n’est là qu’une étape sur la voie de notre lutte révolutionnaire. Nos objectifs ne se réaliseront pas à travers le parlement – si tant est qu’il y en eût un – mais bien en dehors de cette institution, avec l’aide de Dieu, et grâce au travail organisé qu’effectuent les classes laborieuses, les agriculteurs, les jeunes et les révolutionnaires cultivés. »
6- L’appareil syndical se retire pour laisser le champ libre à Guédira et son parti…
L’appareil syndical convia son Conseil national à se réunir le 3 mai 1963 pour arrêter une décision concernant les élections législatives. Le même jour, et avant que le Conseil n’eût annoncé sa décision, l’éditorial du journal Clarté, publication supervisée par Guédira, soulignait déjà la nécessité, pour l’UMT, de s’en tenir à la neutralité durant les élections ! Nulle équivoque n’était plus possible. Au lieu d’adopter une résolution en harmonie avec celle de la direction du Parti, le Conseil national de l’appareil syndical « décidera » effectivement de boycotter les élections, justifiant sa position par des propos « très révolutionnaires » qu’il serait inutile de rapporter. Nul n’était plus dupe : le boycott n’avait d’autre but que de priver l’UNFP des voix ouvrières, favorisant d’autant le parti de Guédira. C’est pourtant le contraire qui adviendra. La décision de boycotter des élections auxquelles le Parti comptait participer, soulèvera une violente vague de mécontentement, autant parmi les propres adhérents du syndicat que dans les rangs des masses ouvrières à travers le pays. L’éditorial du journal de Guédira avait irréfutablement établi que la direction syndicale composait avec le pouvoir personnel.
La campagne électorale de l’UNFP gagnera donc en ampleur, les militants comme les masses populaires étant désormais résolus à en découdre avec Guédira et son parti fantoche, tout en donnant au passage une leçon aux profiteurs de l’appareil syndical.
7- Deux souvenirs qui, par-delà huit années, se fondent en un
La campagne électorale de l’UNFP se poursuivra donc à travers les provinces du pays, pour culminer avec le meeting populaire que présidera le Martyr Mahdi au stade Sidi Maarouf à Casablanca, dans l’après-midi du 15 mai, la veille des élections. Dès les premières heures de la matinée, une foule nombreuse avait afflué sur le lieu du rendez-vous, processions ininterrompues qui, par le calme autant que par le nombre impressionnant, nous étonnèrent, nous, les organisateurs du meeting, avant que d’étonner les journalistes et les agents secrets ou patents en présence. Quand Mahdi fit son apparition, il eut du mal à rejoindre la tribune, tellement les foules enthousiastes le serraient. Comme j’étais à ses côtés, parmi des dizaines d’autres militants, j’eus tout le loisir d’admirer l’impressionnante marée humaine que nous eûmes à traverser : des dizaines de milliers de personnes – dont des ouvriers en tenue de travail, défi évident à l’adresse l’appareil syndical – nous entouraient, acclamant et ovationnant le leader.
C’est à ce moment que me revint le souvenir d’un festival semblable, que Mahdi avait justement présidé au même stade Sidi Maarouf, huit années plus tôt, en octobre 1955, alors que le Maroc se préparait au retour de feu Mohamed V et à la proclamation de l’indépendance. Ce jour-là, Mahdi avait pris la parole devant des masses populaires aussi enthousiastes, pour leur faire part du compromis que les autorités françaises avaient proposé aux dirigeants de l’Istiqlal, Mahdi en tête, consistant à accepter une reconnaissance de l’indépendance du pays, mais en renonçant au principe du retour de feu Mohamed V, sous prétexte que ce retour risquait d’être perçu comme un affront par le peuple français. Puis Mahdi de conclure : « Nous leur avons répondu : comme c’est bien vous qui nous avez les premiers fait l’affront d’oser déposer et exiler notre roi, nous n’accepteront l’indépendance qu’accompagnée de son retour ! » Les applaudissements qui suivirent furent sans fin…
Lors de ce festival du 15 mai 1963 à Sidi Maarouf, qui couronnait la campagne électorale, Mahdi insistera notamment sur le communiqué du Secrétariat général relatif aux élections, communiqué que nous évoquions plus haut. Lorsqu’il arriva au passage « Il n’est aucun moyen de réformer le régime féodal en place dans le pays : nul compromis n’est plus possible, sans parler de conciliation : son seul remède est d’être éradiqué », il répéta cette dernière séquence, à laquelle firent écho, encore une fois, des applaudissements sans fin…
Deux souvenirs qui, se fondant ainsi en un, abrégeaient huit longues années, les réduisant aux dimensions d’un court instant…
Nous aurons du reste l’occasion de revenir sur ce sujet dans le volume suivant, consacré au Martyr Mahdi.
8- Le peuple marocain a déjà déchu le pouvoir personnel
Le jour du vote au soir, les rapports parvenant au Secrétariat général à la fin du dépouillement des bulletins, donnaient à l’UNFP 46 sièges, chiffre que le communiqué du ministère de l’Intérieur reverra à la baisse le lendemain, n’en accordant plus que 22 au Parti lors de l’annonce officielle des résultats. L’éditorial du numéro du 24 mai de al-Tahrir tirera ainsi les significations politiques de l’événement :
« Ces élections auront prouvé le niveau de conscience atteint par le peuple marocain, et affirmé son choix de faire face au pouvoir personnel. Malgré la répression, la terreur, l’intimidation, le recours à l’argent et toutes les autres formes d’interventions insolemment ostensibles, ni le ministère de l’Intérieur, ni Guédira lui-même, n’auront réussi à récolter pour leur parti que 33% des voix des électeurs. Cela signifie mathématiquement que plus de soixante pour cent des Marocains ont voté contre le pouvoir personnel et contre son parti. »
Le bulletin du Parti soulignera lui aussi cette vérité en relevant notamment que « les sièges arrachés par le pouvoir en place ne constituent pas la majorité. La première conséquence politique à tirer de ces résultats est que le peuple marocain a démis le pouvoir personnel, étant donné que les traditions démocratiques veulent que la partie ayant recueilli la minorité des voix se retire. » La seconde vérité énoncée par le bulletin est que la défaite du pouvoir personnel n’est pas uniquement quantitative, mais également qualitative : « Aucun des sept ministres – Slaoui, Boutaleb, Aherdane, Belabbas, Benhima, Bahnini et Ahmed Alaoui – s’étant présentés à ces élections n’a réussi à se faire élire. D’autres encore ont échoué, qui avaient été ministres du pouvoir personnel ou qui sont disposés à le servir, tels Thami Ouazzani, Dr. Benbouchaïb, Hassan Ouazzani et Hamza Laraki. Les deux seuls ministres ayant décroché un siège au parlement n’ont obtenu leur siège qu’au prix de mille contorsions et manœuvres, dont les menaces, les promesses et la falsification. Le fer de lance du parlement national restera néanmoins incontestablement l’UNFP, avec ses députés qui constituent la force motrice de l’institution législative. »
9- En réaction, une campagne de répression
Devant cette victoire de l’UNFP, et en préparation des élections communales annoncées pour le 28 juin 1963, le pouvoir lancera contre les militants du Parti, à travers le pays, une vaste et vigoureuse campagne de répression, que al-Tahrir commentera sous les titres suivants :
3 juin : « Les autorités gouvernementales entament une campagne effrénée de pressions sur les militants à Khouribga » ; « Après avoir ajourné les élections communales, le pouvoir personnel s’emploie à renforcer son Front, comptant pour cela, en plus de ses agents d’autorité, sur les colons et autres seigneurs féodaux, qui à leur tour trouvent auprès du Front royal soutien et protection. »
4 juin : « Le pays est livré au désordre. Le pouvoir personnel arme les caïds et cheikhs et les autorise à abattre tout citoyen se refusant à prendre le parti du Front royal » ; « Sept assassinats patents, et des dizaines d’accidents organisés ayant laissé un grand nombre de blessés depuis les dernières élections » ; « Enlèvements et arrestations condamnables dans la province de Rabat » ; « Des bandes procèdent à l’enlèvement d’un nombre de militants à Salé ».
Le remaniement gouvernemental exécuté sur la base des résultats des élections du 17 mai, sera annoncé dans le numéro du 7 juin de al-Tahrir sous les titres suivants : « Les derniers changements opérés au sein du gouvernement confirment l’intention de poursuivre l’expérience du pouvoir féodal absolu. Les nouveaux éléments sont tous membres ou sympathisants du FDIC. »
10 juin : « Le pouvoir absolu poursuit sa campagne d’enracinement du Front royal, en usant de toutes les sortes de moyens de répression, en préparation des communales. Arrestation et passage en jugement de quatre membres du parlement. »
11 juin : « Les campagnes d’arrestations et d’oppression visant les militants de Ouarzazate dépassent l’entendement. Les autorités du pouvoir féodal disposent des citoyens tel le pasteur de son troupeau. »
20 juin : « Les élections communales sont reportées sine die : preuve irréfutable de l’échec du pouvoir absolu à trouver 11128 traîtres et mercenaires pour en faire des conseillers communaux. »
26 juin : « Les adhérents de l’UNFP sont empêchés de se porter candidats dans plusieurs centres à travers le pays. »
Et enfin le 13 juillet : « Les autorités du pouvoir féodal recourent à la torture et aux expulsions dans leur guerre contre les candidats de l’UNFP. »
10- Complot de liquidation de l’UNFP : 16 juillet 1963
Cette violente campagne de répression méthodique sera couronnée par le complot final, celui du 16 juillet 1963, qui visera tout simplement à liquider l’UNFP. Pendant une réunion tenue ce jour-là par le Comité central du Parti, dans le but de décider de la participation aux élections communales, les forces de police envahiront en effet les lieux, arrêtant tous les présents : 105 militants, dont des membres du Secrétariat général et du Comité central, des parlementaires et des journalistes, les restants étant des militants qui se trouvaient là en visiteurs. Le cercle des arrestations allait par la suite s’étendre, englobant près de 5000 militants de l’UNFP (v. volume 2, p. 105).
Comme l’on pouvait s’y attendre, le communiqué du Comité central – que nous réussirons à faire parvenir à al-Tahrir par téléphone à partir du siège du Parti cerné par la police – sera énergique, à la mesure de la circonstance. On pourra en effet y lire, après l’introduction :
« 1- Les actions que l’autorité policière, sur les ordres du pouvoir absolu lui-même, perpètre à travers le pays, visent à instaurer un climat de terreur, de répression, de menace et de corruption, pour garantir la victoire au Front royal dans les prochaines élections. La répression à laquelle les citoyens libres font face dans toutes les provinces du pays, et surtout dans les zones rurales, ont atteint un niveau de sauvagerie jamais égalé, même durant la sombre époque du protectorat. Les bandes de criminels, de mercenaires, voleurs et autres traîtres au service du Front royal s’attaquent aux personnes des militants, à leurs familles, leurs demeures et leurs biens… »
Donnant ensuite des exemples tangibles des exactions commises lors de cette campagne de répression, et soulignant que « le pouvoir absolu a rejeté, dans différentes provinces du pays, la candidature des membres de l’UNFP aux élections communales, en franche violation du Code électoral », le bulletin déclare qu’« étant données ces considérations, ainsi que d’autres, les membres du Comité central de l’UNFP, de même que les délégués des provinces et les députés du Parti, estiment que la participation à ces élections est désormais dénuée de sens et de portée. Aussi, l’UNFP décide : 1- de retirer toutes les candidatures préalablement présentées en son nom ; 2- d’entreprendre les démarches nécessaires auprès des organisations progressistes nationales, afin qu’elles boycottent le pouvoir et mettent ses sbires en échec durant la présente campagne électorale » pour conclure : « Fait à Casablanca, le 16/07/1963 à vingt heures, dans le siège du Secrétariat général, cerné par les forces de police et de l’armée. »
Il sied de signaler ici que l’appareil syndical – qui avait déjà préparé ses propres listes de candidatures pour les communales – adoptera devant les arrestations du 16 juillet une attitude de neutralité qui suscitera des réactions d’indignation dans les milieux des travailleurs, notamment parmi les militants syndicaux. L’appareil invoquera, pour justifier son attitude, la rumeur propagée par la radio, selon laquelle Cheikh al-Arab aurait projeté d’assassiner Mahjoub Benseddiq, Guédira et Oufqir. Il est également à signaler que le même appareil syndical, qui détenait la propriété de l’imprimerie Imprégima où étaient tirés les numéro de al-Tahrir, entamera une action en justice contre Baçri, directeur du journal – dès confirmation de la condamnation à mort prononcée contre lui – pour de prétendus arriérés relatifs à l’impression du journal, exigeant que l’on ordonne la saisie des sommes déposées au compte postal de al-Tahrir. L’appareil syndical adoptera par ailleurs ouvertement la fameuse politique du pain, se résumant à maintenir le syndicat en dehors de la lutte politique, et se lancera dans la liquidation des syndicalistes appartenant à l’UNFP au sein des fédérations et unions locales relevant de son autorité.
11- Procès du pouvoir personnel ; l’UNFP relève le défi
La parution jusque-là régulière de al-Tahrir et du Bulletin politique, souffrira des arrestations du 16 juillet. Le Rédacteur en chef du journal, Abderrahmane Youssoufi, son Secrétaire de rédaction, Mohamed Seddiki Beallal, ainsi que l’auteur de ces lignes, étaient en effet tous désormais sous les verrous (v. volume 2, p. 17), rejoints deux jours plus tard par le directeur du journal, feu Baçri.
Al-Tahrir continuera néanmoins à paraître de façon sporadique, pour cesser définitivement à l’automne de la même année, avec le début du procès des détenus, dont notamment feu Baçri, son directeur, qui devait être condamné à mort le 14 mars 1964, en compagnie d’autres militants.
L’UNFP n’en restera cependant pas moins présente sur la scène politique nationale, grâce aux militants ayant échappé à l’arrestation et à ceux qui avaient été pris puis libérés. Mais le fer de lance dans la lutte du Parti pour la démocratie était bien, durant cette période, son équipe parlementaire, dont l’action culminera avec la motion de censure présentée en mai 1964 contre le cabinet Bahnini. Le pouvoir personnel réagira à cette donne imprévue en décidant de rendre publics les débats, qu’il fera directement retransmettre par la radio et la télévision nationales. En agissant ainsi, le pouvoir espérait faire de ces débats le procès de l’UNFP tout entière. Mais les députés du Parti, conduits par feu Dr. Abdellatif Benjelloune et agissant selon les directives de Yussoufi, sauront faire s’opérer un formidable retour de manivelle, qui transformera la discussion de la motion de censure en un véritable procès public du pouvoir personnel, un procès dont les Marocains suivront les développements avec un vif intérêt. Comme à l’heure de la rupture du jeûne durant le ramadan, les gens accouraient en effet chez eux au moment de la diffusion des séances, laissant les rues désertes. En attendant une séance, ils passaient le temps à discuter de ce qui s’était dit dans la précédente.
L’équipe parlementaire de l’UNFP prendra nettement le dessus durant cette joute verbale, dénonçant les abus du gouvernement du pouvoir personnel et mettant à nu son incompétence, et clouant le bec à ses hérauts – dont notamment Abderrahmane Khatib, frère du Dr. Abdelkerim Khatib, alors président du parlement – à qui elle tint à rappeler leur passé condamnable et leurs liens douteux avec les occupants. Là, les apprentis sorciers qui prenaient la défense du pouvoir personnel sortirent ce qu’ils croyaient être leur botte secrète : Ahmed Alaoui, ministre vaincu aux élections, prit la parole, défiant l’équipe parlementaire de dénoncer publiquement les militants récemment reconnus coupables, à l’issu des procès consécutifs aux arrestations de juillet, de complot contre la sécurité de l’Etat.
Le défi était d’une puérilité manifeste, et l’occasion d’opérer le fameux coup de manivelle trop belle pour que l’équipe de l’UNFP, dirigée par Abderrahmane Youssoufi, la laissât passer. Le peuple entier bloquait son souffle en attendant de voir comment feu Abdellatif Benjelloune, porte-parole de l’équipe, allait réagir à cette provocation. Allait-il condamner ses frères de lutte ? Allait-il, d’une manière ou d’une autre, donner dans le piège que ses adversaires lui tendaient ?
Vint enfin le jour fatidique. Radio et télévision étaient toutes deux confisquées pour couvrir l’événement – comment n’auraient-elles d’ailleurs pu l’être, elles qui n’avaient été autorisées à transmettre ces séances qu’en l’attente de pareil moment !
Soigneusement préparée, lue dans un ton calme et posé, l’allocution de feu Dr. Abdellatif Benjelloune passera en revue la situation sociale et économique précaire dans laquelle vivaient les classes populaires, analysant ensuite les dérapages dangereux constatés dans le domaine des libertés publiques, pour conclure :
« La crise que notre pays traverse aujourd’hui résulte, nous l’avons souvent dit, d’une politique fâcheuse, hostile au peuple et ne faisant aucun cas des intérêts suprêmes de la patrie, tant au niveau économique, social et politique, que dans le domaine des droits de l’homme et de l’avenir de notre peuple. Il fallait s’attendre à ce que cette déliquescence généralisée – dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle résulte d’une suite d’erreurs graves, commises aux dépens de ce pays et contre ses intérêts – suscite indignation et colère. Faut-il dire quelle mauvaise conseillère est la colère… Nous savons tous pertinemment combien le Marocain est un homme fier qui, jeune, s’élève véhémentement contre l’injustice, et qui, même devenu moins jeune, est toujours prompt à réincarner son ardeur d’antan dès qu’il se retrouve confronté à l’épreuve de l’injustice. (…) C’est ainsi que nous pouvons expliquer le comportement adopté (durant la résistance) par des citoyens tels Mohamed Zarqtouni, Mohamed Baçri ou encore Mohamed Mansour. Ce sont des citoyens comme ceux-là qui s’élevèrent un jour pour clamer leur révolte à la face de l’occupant. Ces jeunes ont réussi à vaincre les forces du colonialisme et à les obliger à consentir à ce que feu Mohamed V réintégrât sa place sur le trône du Maroc : un Maroc qui avait alors à jamais rompu avec la domination politique coloniale. Ces jeunes, dont le vénérable Cheikh Mohamed Belarbi Alaoui, Dieu ait son âme, qui du haut de ses quatre-vingts années, passées dans la lutte pour ce pays, s’est élevé pour clamer son refus à la face de la spoliation et de la criminalité.
« Nous estimons qu’il est nécessaire et inévitable – si nous voulons aujourd’hui nous sortir de la situation regrettable à laquelle le pays est parvenu – de faire recouvrir aux masses populaires leur enthousiasme et leur disposition à se mobiliser pour assumer le rôle qui leur échoit dans la lutte contre cette décadence, afin de remettre à nouveau le pays sur la voie du développement et de l’espérance. (…) Aussi, adressons-nous en ce jour, du fond de notre cœur, un appel au Peuple marocain et à Sa Majesté le Roi Hassan II, leur disant : commençons, pour ressusciter l’enthousiasme des masses, par préparer les conditions favorables à l’adhésion du peuple tout entier à cette noble tâche… Annonçons une amnistie générale en faveur de tous les détenus poursuivis pour des affaires politiques depuis l’indépendance à ce jour, afin que demain, fièrement réunis autour du Roi du Maroc renaissant, nous puissions dire à nos enfants, : voici le Maroc que nous vous livrons. »
Un silence de mort régna dans la salle du parlement quand feu Dr. Benjelloune eut fini son allocution, dont le moins que l’on eût pu dire est qu’elle prit littéralement de court ceux qui escomptaient de faire le procès de l’UNFP. La balle était lancée trop haut : à peine si les joueurs courts sur pattes pouvaient espérer suivre des yeux sa trajectoire. Ne trouvant plus rien à dire, le président de la séance en annonça la levée.
12- Evénements de Casablanca, 23 mars 1965
La motion de censure, mais surtout la retransmission en direct, des semaines durant, des débats parlementaires qu’elle suscita, furent suivis dans les milieux populaires, et plus particulièrement par les élèves et étudiants, avec un intérêt digne d’un feuilleton à sensation. L’effet fut grandiose, les séances ayant constitué pour tous autant de leçons, élevant leur conscience politique à un niveau que les organes du Parti n’auraient pu leur faire atteindre qu’au prix de longs et pénibles efforts.
Je puis dire cela car, pour avoir dès le début des années soixante assumé la charge de Secrétaire général de la Jeunesse de l’UNFP, organe alors essentiellement constitué des amicales des lycées (les étudiants universitaires étant affiliés à l’Union Nationale des Etudiants du Maroc ou UNEM), j’ai pu constater par moi-même cette évolution dans la conscience des élèves des lycées, voire des écoles primaires. Je me souviens en particulier d’une réunion des cadres de la Jeunesse de l’UNFP, que nous organisâmes justement dans la perspective de tirer parti de cette évolution de la conscience politique des masses, en mettant sur pied des organisations politiques et populaires. Avant la réunion, nous eûmes une entrevue avec Abderrahmane Youssoufi (il m’accordait alors le plaisant surnom de « Guide général », à qui nous exposâmes notre programme. Après nous avoir écoutés, il prit la parole : « Je n’excèderai pas un seul conseil, dit-il. Laisser les jeunes s’organiser comme eux l’entendent. Ils se comprennent entre eux : n’interférez pas dans leurs affaires ; limitez-vous à les guider de loin. » C’est ce que nous fîmes, abandonnant aux élèves enrôlés dans les amicales la tâche de s’organiser par eux-mêmes, nous contentant de les observer de loin.
Puis vint le jour où le ministère de l’Education nationale, département dont le chef était alors Youssef Belabbas, émit une circulaire qui restreignait sans raison valable la liberté des élèves. Quand la note me parvint – j’étais alors proviseur du Lycée du Sixième arrondissement, rebaptisé plus tard Lycée al-Fida, étant situé sur le boulevard du même nom – je m’empressai d’en afficher une copie sur le tableau réservé à cet effet, autour duquel les élèves ne tardèrent pas à venir se rassembler. Comme d’autres proviseurs de lycée à travers la ville en avaient fait de même, la nouvelle eut vite fait de se propager, soulevant une vague de colère. Les amicales réagiront spontanément en se mobilisant contre la note, ressentie comme une contrainte susceptible de menacer l’avenir des élèves. Ces derniers ne tarderont pas à descendre dans la rue en des manifestations géantes, auxquelles viendront se joindre les passants, suivis par la quasi-totalité des habitants de la ville. Ce fut là le commencement de ce que les annales retiendront dès lors sous le nom des événements du 23 mars 1965.
D’autres personnes ayant écrit – d’un autre angle – à propos de ces mêmes événements, j’estime qu’il serait loyal de ma part, à l’égard de la vérité que j’ai vécue, de souligner que l’équipe dirigeante des amicales des lycées était constituée d’élèves de la classe terminale du premier cycle secondaire et des trois classes du second, et non du Syndicat des élèves, fondé plus tard pour faire pendant aux amicales dans les classes inférieures au brevet (fin du premier cycle). De nombreux éléments dirigeants de ces amicales, organisations affiliées à l’UNFP, poursuivaient en effet leurs études dans les classes terminales à l’Institut municipal des Filles, dont j’étais le directeur, et à l’Institut municipal des garçons, que dirigeait feu Abdelkader Sahraoui, les deux instituts ayant été fondés par le Conseil municipal de Casablanca, alors tenu par l’UNFP. Je peux citer, parmi les membres de l’équipe féminine qui constituaient le moteur des amicales, et qui se rendaient souvent au siège du Secrétariat général de l’UNFP, Mmes. Fatima Arsim, Fatima Antar, Saadia Saadi et sa sœur Ghita, ainsi que de nombreuses autres élèves militantes dont le nom m’échappe. Leurs compagnons de lutte, pour la plupart également élèves de l’Institut des Garçons, deviendront plus tard d’éminents dirigeants au sein du Parti ; certains le sont d’ailleurs toujours. C’est donc à ces filles et à ces garçons que devrait s’adresser quiconque voudrait en avoir le cœur net sur les événements du 23 mars 1965.
Comme les manifestations duraient depuis des jours, je me rendais au lycée, accompagné de ma femme, pour un tour de routine, quand notre voiture arriva, au détour d’une rue du quartier Polo, sur un tas de pierres barrant la route. A peine le véhicule immobilisé que nous nous trouvâmes entourés par une myriade de gamins ne dépassant pas les dix ans, dont l’un nous cria : « Dites : A bas… ! Sinon, nous vous lapidons dans votre voiture ! » Nous ne pûmes que nous plier à la volonté des petits, suite à quoi nous fûmes autorisés à rejoindre notre domicile.
Je rapporte cette anecdote en pensant à ce qui advint quelques semaines plus tard, lorsque le défunt roi Hassan II recevait dans son palais d’Ifrane feu Abderrahim Bouabid pour débattre avec lui des incidents survenus à Casablanca. Lors de cette entrevue, en effet, le défunt souverain se serait exclamé :
Mais pourquoi s’en sont-ils pris à Hassan II et non à Youssef Belabbas, l’auteur de la note ?
Probablement, Votre Majesté, parce qu’ils savent que nul au sein du gouvernement n’est à tenir pour responsable de quoi que ce soit ! aurait alors répondu feu Abderrahim.
Mais revenons-en au pouvoir personnel.
Il y aura des promesses de rencontres ; un projet semblable à celui que nous nommons aujourd’hui l’alternance sera proposé ; des contacts seront officiellement établis avec Mahdi, alors à l’étranger, tout occupé à préparer le Congrès des Trois Continents, qui devait se tenir à Cuba. Ces contacts n’aboutiront à rien, sinon à l’enlèvement de Mahdi, qui survint sept mois seulement après les événements.
Sujet auquel nous reviendrons dans le prochain numéro.